Au printemps 2018, nous vous parlions de cette première en Europe: un système de stockage d’énergie d’origine photovoltaïque installé sur le Stade Arena d’Amsterdam. Aujourd’hui fonctionnelle, c’est la première fois qu’une telle gestion est installée dans un bâtiment si imposant. Ce projet, piloté par le spécialiste de la gestion d’énergie Eaton, ouvre de nouvelles perspectives concernant la gestion de l‘énergie électrique pour les bâtiments de taille industrielle et les usines.
Nous avons discuté avec Christophe Bourgueil, responsable Business Developement / Stockage d’énergie chez Eaton France, des origines du projet et des applications industrielles qui peuvent d’ores et déjà en découler.
Éléments industriels : Pouvez-vous détailler les caractéristiques mises en place et le fonctionnement du système de stockage d’énergie du stade Arena d’Amsterdam?
Christophe BOURGUEIL : Le Projet du Stade Arena est une réussite. Aujourd’hui fonctionnel, le système est construit autour d’un mix de batteries neuves et de seconde vie. 61 armoires de batteries sont installées, contenant 590 packs de batterie.
La puissance totale est de 3 MW, avec une capacité nominale de 2,8 MWh. Cet ensemble de stockage est capable de maintenir l’alimentation électrique dans le stade à pleine puissance pendant une heure. Tous les partenaires du projet, Eaton, Nissan, avec qui nous travaillons en amont sur les technologies de batteries, la société allemande The Mobility House et le gestionnaire du Stade sont entièrement satisfaits de l’aboutissement de ce projet.
EI : Eaton propose-t-il déjà des solutions dans le domaine industriel, à l’instar du stade ?
Effectivement. Pour le marché industriel et commercial, des solutions sont déjà disponibles pour des gammes de stockage allant de 20 kWh à plusieurs MWh.
Nous fournissons l’ensemble du système, fonctionnel : les packs batteries, qu’Eaton produit à partir de batteries Nissan neuves ou de deuxième vie ; toute la technologie d’intégration de ces batteries dans le système et les moyens de les connecter, que nous avons développés ; et, bien sûr, toute la partie convertisseur de puissance, qui va permettre de se raccorder à l’installation pour assurer la conversion dans les deux sens et toutes les fonctionnalités système. Le système est modulaire, et peut être dimensionné en fonction du besoin et des contraintes locales.
On fournit également notre savoir-faire dans le domaine de la protection électrique, ainsi que les systèmes de supervision, sous forme d’automates industriels, pour assurer la gestion du système.
EI : Dans quelle proportion un système de stockage de ce type pourrait-il s’intégrer dans une structure de production industrielle ?
Au-delà du stockage de l’énergie produite localement par des sources d’énergie renouvelables (photovoltaïque par exemple), le stockage d’énergie permet également d’assurer des fonctions de secours, afin de réduire les pertes d’exploitation liées aux coupures d’électricité, de réduire les pics de consommation qui coutent de plus en plus en cher ou de différer des investissements sur des installations en limite de puissance.
Le stockage d’énergie permet également de récupérer l’énergie produite par certains process industriels pour la réutiliser au moment où elle est le plus utile. Sans entrer dans les détails, nous travaillons déjà sur plusieurs projets innovants de ce type.
[NDLR : Presque toutes les énergies « fatales » peuvent être transformées en énergie électrique. Quelques exemples : celle produite au freinage des machines ou engins, la chaleur fatale (refroidissement des process),…. les surproductions locales temporaires …. Si le site est équipé d’un système de stockage grand format, elles peuvent être « récupérées » pour une restitution ultérieure.]
EI : Avec l’utilisation d’un stockage de cette ampleur, la structure est autonome pour la gestion électrique ?
Les premières fonctionnalités sont en effet celles d’un système de stockage d’électricité classique. Première fonction, c’est la fonction de secours : être capable d’alimenter l’installation en électricité pour une durée déterminée par la quantité de batteries mise en œuvre.
La seconde fonction est ce qu’on appelle le déplacement de charge : l’optimisation entre autoconsommation et autoproduction d’énergie. Dans le cas du Stade, ce sont 4000 panneaux photovoltaïques qui produisent de l’énergie, utilisée immédiatement si besoin ou stockée pour une utilisation ultérieure.
EI : La gestion des pics de consommation est également prise en compte dans ce genre de solution ?
L’un des aspects les plus intéressants, surtout en lien avec les implications industrielles, est probablement la fonction d’effacement de pics en effet. Dans beaucoup de process industriels, vous pouvez avoir des phases avec des pics de consommations, parce qu’une partie du process exige beaucoup d’énergie.
Du côté de l’industriel, ces pics de consommation vont l’obliger de dimensionner ou redimensionner son abonnement électrique, ainsi que son installation interne, afin de pouvoir passer ses pics de consommation maximaux, même de courte durée.
D’un autre côté, ces pics de consommations génèrent des couts très importants pour le gestionnaire du réseau électrique, qui équilibre en permanence l’offre et la demande sur le réseau. Ces pics de consommations exigent donc de dimensionner les réseaux aux pics maximaux, et disposer de moyens de production d’énergie de réserve particulièrement couteux.
La tendance, au niveau mondial, est de facturer de plus en plus cher aux utilisateurs qui génèrent ces pics. Certains clients, en renégociant leur contrat d’énergie, se sont rendu compte d’une augmentation de 10% du cout de l’énergie. Mais également qu’ils pouvaient bénéficier d’un prix plus bas à condition d’un surcout conséquent du prix lors des pics d’énergie.
Les solutions Eaton prennent alors tout leur sens, en permettant de lisser la consommation en effaçant les pics les plus importants, grâce à un système de stockage d’énergie locale.
EI : Cette énergie stockée peut être utilisée dans le réseau en dehors de la structure ?
C’est en effet là ce que permet notre système : un réel moyen de valorisation de l’électricité en effectuant de la régulation de fréquence. Comme nous l’avons expliqué précédemment, les gestionnaires du réseau doivent réguler en permanence la fréquence sur le réseau, afin qu’elle reste stable. Aujourd’hui, il existe au niveau européen un marché de la régulation de fréquence, où ils peuvent acheter de la capacité rapide en injection ou en sous-tirage d’énergie. Nos stockages à haute capacité sont l’outil parfait pour participer à ce marché.
En effet, vous avez une capacité de réserve rapide, et ainsi la possibilité de mettre sur le réseau à la demande du distributeur, quelques kilowatts ou quelques dizaines de kilowatts ou de mégawatts. Cela a une réelle valeur, que chaque industriel équipé d’une capacité de stockage pourra valoriser, en partenariat avec un agrégateur, même si son activité n’a rien à voir avec le marché ou la production de l’énergie.
EI : De combien pourrait être le retour sur investissement (ROI) d’une telle solution dans le domaine industriel ?
Le retour sur investissement est plus rapide et efficace quand l’installation d’un système de stockage répond à plusieurs problèmes à la fois. La plus-value principale est que le stockage soit une solution rapide, flexible et multi-services. Plus de services sont utilisés, plus la rentabilité sera rapide.
Par ailleurs il faut intégrer le fait que d’une part vous pourrez souvent éviter de remplacer une installation insuffisante, et d’autre part que les panneaux photovoltaïques produisent de l’énergie à bas coût. Ou en vous permettant de récupérer de l’énergie directement dans votre process.
Si on ajoute à cela les économies réalisées grâce à la réduction de pics de consommation, la rentabilité peut être au rendez-vous très vite.
Pour maximiser le retour sur investissement, il est primordial d’avoir une bonne analyse de la situation, de bien comprendre le fonctionnement de l’installation et les besoins de l’industriel.
EI : Avez-vous des exemples d’installations récentes en industrie ?
J’ai en tête l’exemple d’un client qui utilisait des process de fabrication poussant son installation à sa limite de puissance par rapport à son installation électrique.
Son problème principal est qu’à ce moment-là, il était limité dans sa capacité de production, qu’il ne pouvait accroitre. En évaluant l’installation d’un système de stockage correctement dimensionné, l’investissement était bien moins important que de refaire l’installation électrique complète, et nécessaire à son changement d’abonnement. Il a ainsi une solution qui permet de différer les travaux éventuels, tout en supprimant les pics de consommation.
Également, nous avons inauguré en mars 2018, sur un site industriel d’Afrique du Sud, un système complet sous forme de micro-grid (un réseau), avec une partie production photovoltaïque, une partie stockage, et un groupe pour le secours. Ce système permet de limiter les pertes d’exploitation dues aux coupures et de produire une partie de l’énergie sur place grâce à l’énergie solaire. Une capacité de stockage de 400 kWh est installée sur ce site.
Ce genre d’installation peut être reproduite dans toutes les régions dans lesquelles la distribution d’électricité est difficile, peu fiable ou insuffisante, par exemple en zone mal interconnectée au réseau principal ou dans une zone insulaire.
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