La mesure est de plus en plus influente et se niche dans toutes nos activités quotidiennes. Pourquoi alors sommes-nous toujours un peu rétifs à nous en emparer à titre professionnel ? C’est en répondant à cette question que Thierry Castagné démontre tout l’intérêt de s’y consacrer un peu plus, pour la progression de nos activités.
Nous avons rencontré l’auteur pour discuter de son livre, « Mesurer pour progresser », où il présente l’histoire et l’importance de la mesure, dans tous les domaines, de l’industrie et de la gestion d’équipe.
Sans mesure, pas de progrès. Avoir une référence externe, un point de départ (on parle souvent d’un point «zéro») permet de valoriser la progression et d’être plus précis que mieux, plus, beaucoup… « Nous avons renforcé la qualité de notre produit », dira l’entreprise. Les croira-t-on ? Si un laboratoire confirme que le produit est 20% plus résistant que son prédécesseur, nous serons bien plus convaincus et on se fera une idée de la progression. Mais comment qualifier cette progression ? C’est là que l’on s’intéressera aux autres constituants du produit, aux différents tests qui ont été effectués.
Même la référence absolue a le mauvais goût de varier. Outre le degré de précision, une mesure peut varier selon les conditions de mesure. Pour exemple, le “grand K”, ce cylindre en métal qui, depuis 1889, servait d’étalon au kilogramme dans le monde entier, une variation de 50 microgrammes a été détectée à la suite d’un contrôle. Nous vous en parlions en détail dans cet article. Cet écart de « conduite » lui a valu d’être déclassé et remplacé par une formule mathématique basée sur la constante de Planck.
À travers l’histoire du « grand K » et sa relégation au musée des antiquités, Thierry Castagné montre toute la complexité de cette mesure qui paraît pourtant si simple. Que ce soit dans notre vie personnelle, professionnelle ou au sein des organisations, il donne ainsi toutes les clés et guide pas à pas ses lecteurs pour bâtir un plan de mesure, définir des indicateurs, dans le cadre de démarches d’amélioration… Avec en ligne de mire un seul et unique objectif : le progrès !
Son livre, intelligent, original et utile, émaillé d’outils, de cas pratiques et de retours d’expérience, permet de remettre en perspective l’idée universelle que l’on se fait de la « mesure » pour la replacer comme outil de progression et non comme un résultat.
« En science ou en milieu universitaire, la mesure technique est normée, et il y a tout ce qu’il faut pour mesurer. Mais dans une entreprise ou une industrie, que vous souhaitiez piloter ou mesurer l’efficacité des actions, la mesure est « maltraitée » : quand on confie une mesure à un système, à une personne, elle n’est pas forcement juste. » D’emblée, Thierry Castagné pose le contexte de son nouveau livre, « Mesurer pour progresser », édité chez Afnor.
« Avant tout, tout est question d’indicateurs : son choix est primordial pour en interpréter ensuite les performances ». Ainsi, ils devront être rigoureux et dépendants de variables contrôlées : la mesure est partout, devient de plus en plus accessible, et s’accompagne aujourd’hui de traitement numérique : les capteurs électroniques qui fleurissent dans nos usines et industries sont-ils tous au même niveau de sensibilité ? Parfois, le biais se cache dans la technologie. « Vient ensuite le choix d’un temps Zéro : à partir de quand démarrer la mesure ? Sachant que cette collecte de mesure, mise bout à bout, permettra d’affiner l’interprétation de la progression. »
Mais le facteur le plus difficile à maitriser, selon l’auteur, c’est bien « le facteur humain. Il a été prouvé par des études que dès qu’on commence à mesurer des performances, surtout liées au travail humain, les résultats s’améliorent d’eux-mêmes », comme si, sachant que nous étions « évalués », nous nous mettions à vouloir de meilleurs résultats. Pourquoi sommes-nous toujours un peu rétifs à nous lancer dans la mesure de nos activités professionnelles ? N’y a-t-il pas un autre facteur inconscient ou semi-inconscient qui biaise alors la mesure?
C’est également l’effet pervers d’une mesure de progression basé sur l’humain : quand elle est constituée par l’atteinte des objectifs, liés à une rémunération. N’aurions-nous pas tendance à détourner la mesure vers des champs favorables et à ajouter de la complexité dans la définition des indicateurs, pour en cacher la réalité ?
L’auteur : Thierry Castagné
Conseil en performance, Thierry Castagné est ingénieur Électromécanicien et titulaire d’un mastère en Gestion financière et contrôle (ESSEC). Il a exercé différentes activités techniques, managériales et de conduite de projet en particulier dans le domaine de la gestion. C’est grâce à ce parcours sur deux fronts qu’il a pu acquérir ce regard sur la mesure.
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