Un dossier en deux parties, écrit par Laurent Dupuis de la société Airvalve France SAS. La première partie (disponible ici) mettait en évidence la problématique des poches d’air dans les réseaux d’eau et décrivait le fonctionnement des ventouses et leurs rôles pour les éliminer. Dans cette seconde partie, des cas pratiques sont détaillés.
Il existe maintenant sur le marché, un large éventail de pompes centrifuges que ce soit au niveau du type, de la taille, des types de roues, avec des courbes plates et d’autres plus raides, etc… Certaines courbes sont stables et d’autres le sont moins avec la possibilité de plusieurs points de fonctionnement (figure 8). Pour chaque application, il y a une solution avec des caractéristiques qui seront forcément adéquates.
Ainsi, dans le métier des stations de pompage d’eaux usées, les pompes submersibles sont davantage privilégiées. Elles ont en général un rendement inférieur aux pompes de surface. La sélection de ce type de pompe doit se faire pour qu’elle puisse fonctionner proche de son point de meilleur rendement, pas seulement pour limiter l’usure prématurée, mais également pour délivrer le meilleur débit avec la consommation énergétique optimale.
Tout système, tout réseau a ses caractéristiques hydrauliques propres et, de la même façon, chaque pompe a ses caractéristiques techniques propres. Mais si nous considérons le débit et la Hauteur Manométrique Totale (HMT) de la pompe (voir courbe – schéma 1), nous pouvons constater que la présence d’air dans le réseau qui crée des pertes de charge supplémentaires va faire glisser le point de fonctionnement vers la gauche de la courbe de sélection de la pompe, avec pour impacts directs : une réduction du débit, une augmentation de la pression et, pour finir, une baisse de rendement.
Il n’est pas rare que pour des questions de coût d’achat les pompes ne soient pas optimisées sur plan du point de fonctionnement. Ainsi, que ce soit pour économiser sur la taille des moteurs ou pour respecter les DN disponibles des canalisations et la vitesse mini de 0,7 m/s, (autocurage) les points de fonctionnement sont parfois sélectionnés très fortement à gauche sur les courbes. Mais, si à cela, il faut ajouter des pertes de charge supplémentaires dues à la présence d’air non prévue dans le réseau, nous risquons d’aboutir à des cas où les débits exigés ne sont absolument pas respectés, mais aussi d’avoir des pompes qui vibrent car fonctionnent trop à gauche; en outre ces situations sont très défavorables d’un point de vue énergétique.
Dans ce schéma, la courbe de la pompe est stable et relativement plate. Cependant, même dans ce cas, comme l’indique le tableau ci-dessus, les pertes de charge liées à la présence d’air dans le réseau auront un impact direct sur la consommation ramenée au m3, indice principalement utilisé par les services des eaux pour justement surveiller le bon rendement d’une installation.
Du fait de la présence d’air dans le réseau selon les raisons présentées avant dans cet article, le débit demandé à l’origine n’est plus respecté. C’est-à-dire que, comme expliquée précisément dans l’étude de cas ci-après, la pompe fonctionnera beaucoup plus longtemps pour transférer un volume donné avec pour impact direct une consommation accrue de la pompe concernée.
Il risque d’y avoir alors litige avec l’exploitant et le fabricant de la station de pompage qui lui-même se retournera vers le fabricant de pompe. La réaction la plus rapide reste encore de changer la roue, le moteur de la pompe avec un variateur de fréquence (ou pas) ou bien même encore la pompe elle-même. Il est peu probable malheureusement qu’une étude du réseau pour détecter l’éventuelle présence d’air soit réalisée.
Pour illustrer ces propos, voici une étude de cas que nous avons réalisée. Il s’agit de l’enregistrement de fonctionnement des pompes d’un réseau d’eaux usées. Les pompes étaient utilisées bien en dessous de leurs capacités déterminées au cahier des charges.
À l’origine, l’installation était prévue avec des ventouses dites double fonction. Suite à ce premier enregistrement caractéristique d’un problème d’air piégé dans le système du fait de la baisse de débit ainsi que plus longue période de fonctionnement des pompes, nous décidons de remplacer 5 des ventouses double fonction par deux ventouses triple fonction pour eaux usées avec la possibilité de décharger l’air en cours de fonctionnement également.
Maintenant, si nous faisons le compte sur le gain énergétique avant et après le changement de ventouses:
Le retour sur investissement de deux ventouses eaux usées de type D025 est d’environ 12 mois, mais celui-ci pourrait encore moindre, considérant également l’extension de durée de vie de la pompe (usure des roulements et des garnitures).
Nous sommes ici dans le cas où, dès l’origine du projet, le variateur de fréquence a été prévu de manière à maintenir un débit constant dans l’installation. Si les poches d’air dans le réseau ne sont pas prises en considération dès le départ, cela ne fera qu’ajouter à la consommation d’énergie du système de pompage. ARI/ Airvalve a mis en évidence, à l’aide d’un banc de démonstration, cette différence de consommation sur un réseau avec et sans la prise en considération des ventouses sur les points hauts.
Le banc de démonstration se compose de la manière ci-contre.
L’objectif ici est de maintenir un débit constant de 17,1 l/min et d’observer les différences de consommation lorsque les ventouses sont d’abord hors fonction puis en fonction.
Les résultats des mesures sont retransmis en temps réel à l’ordinateur (voir le tableau ci-après).
La forme volontaire en W de ce banc de démonstration a pour objectif de simuler les conditions sur site où les profils suivent les irrégularités du terrain.
Dans un premier temps, les ventouses sont hors fonction. L’ordinateur indique alors que pour maintenir un débit de 17,1 l/min, la pompe doit tourner à une vitesse de 550 tr/min. En effet, les ventouses étant condamnées, l’accumulation de l’air dans le réseau au niveau des points hauts va induire des pertes de charges supplémentaires qui n’étaient pas prévues au départ lors de la sélection des pompes. Nous perdons alors le point de fonctionnement qui va alors glisser vers la gauche de la courbe de pompe. Pour maintenir malgré tout le débit constant, le variateur de fréquence prévu va augmenter la vitesse de rotation du moteur de la pompe et faire revenir le point de fonctionnement à sa sélection originale, mais avec une consommation plus importante.
Dans un deuxième temps, les ventouses triple fonction sont mises en service. Les poches d’air vont rapidement disparaître et le débit va revenir à la normale. Nous nous retrouvons alors avec un point de fonctionnement tel qu’il aurait dû être prévu dès le départ à la sélection de la pompe, c’est-à-dire sans la surprise de pertes de charge supplémentaire liées à la présence d’air au niveau des points hauts du réseau. Nous sommes sur le point de fonctionnement optimal et donc, pour maintenir un débit de 17,1 l/min, le moteur de la pompe va tourner à 488 tr/min pour donner une consommation moindre (pas moins de 20 % dans ce cas !)
Le film de démonstration est visible ici :
La solution du variateur de fréquence pour contrôler la vitesse du moteur est probablement la solution la plus efficace pour maintenir un débit ou une pression constante dans un réseau, qu’il soit d’eau potable ou d’eaux usées. Cette solution permet d’ajuster les caractéristiques des pompes en fonction du cahier des charges.
Cependant, l’utiliser pour compenser une perte de débit sans comprendre la cause de cette perte conduite souvent à oublier la cause de la perte de débit et à « vivre avec » tout en gâchant une quantité considérable d’énergie. Si l’analyse montre que c’est la présence d’air, le variateur pourra compenser jusqu’à l’installation des ventouses ad hoc et ainsi optimiser l’exploitation.
Soyez le premier à commenter
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent commenter. Connectez vous !