Dans un monde où l’écoresponsabilité est devenue une priorité majeure, la course à l’optimisation énergétique touche maintenant tous les secteurs et en particulier l’industrie. L’Union européenne a fixé à 20 % le gain énergétique à réaliser par les industries d’ici fin 2020. Bien entendu, le domaine du pompage, quel que soit le secteur d’activité, n’échappe pas à cette chasse au gaspillage car selon une étude récente de la BPMA (British Pump Manufacturers Association), la consommation énergétique des pompes représenterait 10 % de la consommation mondiale d’électricité, plus que tout autre type d’équipement !
Un dossier en deux parties, écrit par Laurent Dupuis de la société Airvalve France SAS. Dans cette première partie, vous découvrirez l’historique de l’utilisation des ventouses dans un système de pompage, ainsi que les différents types de ventouses. La prochaine partie détaillera les cas d’utilisation sur le terrain et des cas pratiques.
Une partie importante de la consommation nationale d’énergie sert pour la production et distribution de l’eau potable et la collecte et traitement des eaux usées process dans lesquels chaque étape représente un coût énergétique important. Elle représente souvent la deuxième ou la troisième dépense la plus importante qu’un service public de l’eau doit couvrir. Par le passé, il était courant d’utiliser une vanne en sortie de pompe pour créer des pertes de charge et réguler le débit. De nos jours, tous les fabricants de pompes proposent des systèmes de régulation intégrés de manière à optimiser la consommation énergétique par la recherche du point de meilleur rendement. Il n’empêche, pour être tout à fait en phase avec cette volonté d’optimisation, que la nécessité de libérer l’air des installations de transfert de liquide pour améliorer totalement l’efficacité du système, prend peu à peu de l’ampleur. Bien que le potentiel d’économies d’énergie considérable par l’utilisation des ventouses soit identifié depuis de nombreuses années, peu de recherches sérieuses ont été menées sur ce sujet à ce jour. (NDLR : il existe une étude complète réalisée par le SNECOREP à découvrir ici )
Même à l’époque romaine, des purges d’air sur les systèmes de transfert d’eau primitifs ont été identifiées comme illustré ci-contre. Ces ancêtres de la ventouse, appelés autrement « vanne à air » (dénomination conservée chez nos cousins du Québec), étaient de simples roches évidées mais constituaient déjà une première approche aux problèmes liés à la présence d’air dans les canalisations.
Malgré tout, le domaine de la ventouse reste un domaine encore mal connu et dont l’image, il faut bien l’avouer, est peu reluisante. Sa simplicité a trop longtemps été surestimée et de fait, beaucoup d’erreurs de dimensionnement et de positionnement ont été retrouvées sur les chantiers. Pourtant, les fonctions de base comprises, les ventouses restent aisément appréhendables :
Autrement appelées « cinétiques », les ventouses double fonction sont caractérisées par un grand orifice permettant de faire entrer ou sortir une large quantité d’air même à faible différence de pressions. Leur fonction principale est de contrôler l’air présent dans une conduite lors du remplissage ou du drainage.
L’admission de l’air, en réponse à une pression négative, protège l’installation des conditions nuisibles du vide et évite les dommages dus à la séparation des colonnes d’eau. À l’inverse, la décharge de l’air présent dans la conduite à la mise en route de l’installation, évite toute accumulation de poches d’air aux différents points hauts du profil. Plus l’orifice est grand, plus la quantité d’air entrant/sortant sera performante. Ce type de ventouses peut être utilisé pour n’importe quelle application après détermination préalable de sa position sur le profil. Elles sont principalement localisées en sortie d’installations de pompage ainsi que sur les points hauts d’un profil.
Également appelées « automatiques », ces ventouses chassent les bulles et les poches d’air en pression d’opération. Selon la définition de la force (F=P.S) seule une petite section peut permettre de rompre l’équilibre entre la force appliquée sur le flotteur par la pression intérieure et son poids lorsqu’il se trouve dans une poche d’air. Ce déséquilibre permettra l’ouverture de l’orifice et l’évacuation de l’air jusqu’au retour de l’eau qui refermera à nouveau l’orifice.
L’association de la ventouse double fonction à large orifice et d’un purgeur à petit orifice donne la ventouse triple fonction, autrement nommée ventouse « combinée ». Cette ventouse garantit les fonctions et avantages des deux autres types :
Au fil des années, plusieurs autres caractéristiques et fonctions ont été développées et ajoutées à différents modèles de ventouses. Ainsi, en eau potable, la conception même des ventouses est telle que leur système d’étanchéité (joint + flotteur) constitue la seule barrière entre le fluide et l’extérieur. En eaux usées, ce concept est impensable car les déchets, les agglomérats de graisses ou autres particules boucheraient rapidement l’étanchéité pour finalement rendre la ventouse inefficace. Pour cette raison, les ventouses pour eaux usées, boue épaisse et autres liquides chargés sont conçues de manière à tenir le liquide éloigné du système d’étanchéité au moyen d’une poche d’air sous pression. En effet, le flotteur est en deux parties solidaires l’une de l’autre, afin de permettre la fermeture de la ventouse avant même que le liquide n’atteigne un certain niveau.
Les ventouses dites « anti-bélier » peuvent également être utilisées pour l’atténuation des ondes de choc dans des cas bien déterminés avec une étude en régime transitoire appropriée. Elles intègrent un disque flottant à orifice réduit dont la particularité est d’amortir efficacement la sortie d’air. Ce système permet, dans un même corps, une protection maximale en admission et une décharge en deux étapes. Dans un premier temps, l’air s’échappe normalement à haut débit jusqu’à atteindre la valeur de calibrage du disque. Celui-ci vient alors se mettre en position automatiquement de manière à ne laisser passer l’air que par un orifice réduit (1/5ème du DN). L’effet d’amortissement est alors immédiat et la poche d’air se dissipe lentement, évitant le coup de bélier local.
Mais la plus récente et la plus avancée est la ventouse dite « dynamique ». Elle fonctionne sur la base d’une technologie différente de la plupart des autres types de ventouses combinées, ce qui permet des vitesses de décharge d’air plus élevées tout en évitant le choc de fermeture. Indépendamment de toutes ces options, les ventouses de type « purgeur » et « triple fonction » restent les plus utilisées sur les réseaux.
L’utilisation des ventouses ou purgeurs se justifie, de façon évidente, par la présence d’air dans un réseau. Il est alors intéressant de se poser la question de savoir comment cet air arrive dans les réseaux et surtout comment se comporte cet air. Il existe deux principales sources de développement de poches d’air dans un réseau : l’une « naturelle » et l’autre « volontaire ». La première est en relation directe avec les propriétés naturelles de l’air et de l’eau. En effet, l’air est dissout naturellement dans l’eau à un taux de 2-3 % et sera libéré plus ou moins pour former des poches en fonction des variations de pression ou de température. Dans pratiquement tous les réseaux de canalisations, de façon plus fréquente, l’air se libère lorsque la pression diminue. À mesure que cette pression diminue, le volume d’air augmente (loi des gaz parfait : P.V = n.R.T) et entraîner une augmentation de la force de flottaison (Ff = ρ x V x g) de la poche qui aura tendance à remonter soit sur la couronne supérieure de la canalisation, soit au point haut du réseau.
La seconde source, dite « volontaire », est directement liée aux organes et accessoires caractérisant le réseau. Les bulles peuvent très bien venir de la station de pompage, des brides fuyardes, des clapets ou vannes ou des canalisations elles-mêmes fragilisées par des phénomènes transitoires intempestifs. En voyageant dans le réseau, ces bulles vont se grouper pour former des poches et, par conséquent, nous allons revenir à la description du phénomène ci-dessus.
La tendance naturelle de l’air à remonter au niveau des points hauts pose également la problématique de la résistance de cet air au débit d’une installation. C’est à ce stade qu’intervient la notion de vitesse critique qui est la vitesse minimale donnée à un fluide pour emporter les bulles et poches d’air le long du réseau. Ce concept, plusieurs fois modélisé, est une fonction dans laquelle va intervenir soit la taille et la forme des poches d’air, soit les caractéristiques de la canalisation. Difficilement appréhendable, la vitesse critique est une notion purement théorique qui intervient malheureusement très peu dans la pratique car les réactions de l’air dans un réseau sont imprévisibles du fait même des critères ci-dessus.
Sur la figure 6 : plus les bulles seront petites, plus elles auront tendance à être entraînées par le débit le long du réseau. Cependant, en cours de route, certaines de ces bulles auront également tendance à fusionner pour former des poches plus importantes. Dans ce cas, la vitesse critique ne sera plus suffisante pour les entraîner et les poches remonteront le cours du réseau pour se fixer sur les points hauts. En conclusion, il est particulièrement difficile de prévoir le comportement de l’air dans un réseau et ce, d’autant plus, qu’un réseau d’eau est normalement prévu pour une consommation croissante future.
Les récentes recherches à ce sujet, notamment à l’université de Delft aux Pays-Bas, indiquent que les pertes de charge liées à la présence d’air sur un point haut d’un réseau sont typiquement égales à la hauteur H de la poche d’air en question (voir la figure 7).
Sur la figure 7, la ligne de HMT (Hauteur Manométrique Totale) en orange indique la modification qu’apporte une poche d’air avec sa perte de charge supplémentaire par rapport au calcul d’origine (ligne rouge en pointillé) qui lui, ne considère pas les poches d’air sur les points hauts du réseau.
Un réseau comportant plusieurs points hauts de cette façon, avec des poches d’air plus ou moins importantes (fonction des facteurs décrits ci-dessus) aura forcément une influence sur la HMT calculée au départ du projet. En effet, les poches d’air présentes immanquablement le long du réseau, vont réduire la section de passage du fluide sur chaque point haut, augmenter la vitesse d’écoulement et, par voie de conséquence, augmenter les pertes de charge comme si nous avions une vanne à demi fermée à chacun de ces points. Cela est d’autant plus vrai que le découpage des lots canalisation réseau et lot station de pompage, sont bien distingués dans les appels d’offres et l’on constate souvent que les parties ne se parlent pas. Il ne fait aucun doute que les pompes sont déterminées correctement avec les éléments donnés au stade projet pour la détermination de la station de pompage mais, malheureusement, à la connexion et mise en route avec le réseau, on se rend compte que le point de fonctionnement de meilleur rendement a bougé sur la courbe de la pompe. Bon nombre de dysfonctionnements ou litiges sont liés à ce problème encore mal connu ou mal considéré.
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