Dans le secteur industriel, l’efficacité hydrique vise un usage plus intelligent des eaux de process, dans le sillage des efforts menés en matière de performance énergétique. Rationaliser les consommations, optimiser les coûts de traitement, valoriser les eaux perdues : si la prise de conscience est partagée, notamment avec la multiplication des arrêtés de sécheresse et les restrictions d’eau associées y compris pour les industries, les politiques de management de l’eau varient selon les filières industrielles.
Avis d’expert par Dimitri Monot, Responsable de l’activité ReUse, Direction Marché Industrie, chez BWT France
L’eau est une ressource épuisable, altérable et de plus en plus coûteuse même si son prix reste faible en France, ce qui peut freiner les démarches de recyclage. Il s’agit pourtant de moins consommer, de moins rejeter de polluants et de mieux produire. En effet, la performance des usages de l’eau impacte le fonctionnement global de l’usine, au-delà des coûts les plus visibles, liés à l’approvisionnement et au traitement des rejets. Or les frais imputables à l’eau sont bien souvent sous-estimés.
La recherche de ROI passe par la nécessité d’établir avant tout une cartographie dynamique des usages de l’eau fondée sur la connaissance des équipements et de leur impact. Un « plan de circulation des flux », en quelque sorte, qui permet d’identifier précisément les besoins, tant en termes de quantité que de qualité d’eau à chaque étape des process, les rejets, les intérêts économiques et les contraintes réglementaires, en fonction de la typologie des industries. Objectif : dresser un véritable bilan afin de réduire les prélèvements à la source et privilégier le recyclage en circuit court, au plus près des usages.
L’efficacité hydrique relève donc d’une stratégie globale de recyclage des eaux perdues. D’elle va dépendre le choix des investissements et la mise en œuvre d’un plan d’actions ad hoc. Selon un principe : il s’agit de traiter l’eau « usée » d’un process ou en sortie de la station d’épuration (STEP) du site pour un autre usage (eaux de lavage, eaux d’utilité, eaux de process, alimentation de tours aéroréfrigérantes).
Cette recirculation de l’eau peut se faire à plusieurs niveaux, soit en boucle courte au cours du process et avant la STEP, soit en boucle longue après la station d’épuration, selon la qualité d’eau ciblée. Aujourd’hui, près de 60 % des entreprises issues des industries alimentaires affirment vouloir augmenter leur part de recyclage de l’eau. Pour la grande majorité de celles qui se sont déjà engagées dans cette démarche « ReUse » (90 %), au titre de pilotes à l’échelle industrielle ou de projets plus formalisés, elles procèdent à la réutilisation de l’eau en boucle courte, selon un schéma qui reste le moins onéreux (selon l’enquête « Revalorisation des eaux perdues dans les process » d’avril 2019, menée par BWT auprès de 150 entreprises du secteur agroalimentaire).
De nouvelles stratégies de recyclage, guidées par l’efficacité hydrique, constituent bien un gisement d’économies. Pour autant la maturité des industriels reste hétérogène selon les filières, les types d’eau et les contraintes réglementaires ou locales. Au sein de l’agroalimentaire par exemple, le secteur de la laiterie / fromagerie témoigne d’un intérêt fort pour le recyclage et affiche des politiques effectives en matière de management de l’eau.
De son côté, la filière de la boisson est mitigée, notamment en fonction des tailles d’entreprises, et le secteur des plats préparés encore immature. Autre constat : le recyclage se fait principalement pour des usages techniques (utilités, lavage) compte-tenu des contraintes sanitaires. Plus largement, l’ensemble de l’industrie (agroalimentaire, chimique, pétrolière et gazière, minière ou papetière) est concerné et s’accorde à voir dans l’efficacité hydrique un levier de compétitivité, et dans la revalorisation des eaux usées, une voie à privilégier.
Au cœur des procédés industriels, la qualité de l’eau agit sur la qualité de la production. Elle influe sur la performance énergétique et industrielle et à ce titre, doit être analysée parmi les différents éléments qui interagissent au sein de l’usine. L’apport des technologies, au travers notamment des calculs prédictifs issus de l’historisation des données, est une autre source d’efficacité : elle permet d’économiser l’énergie et l’eau, d’optimiser les productions et de développer un management de l’eau plus vertueux.
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