Annoncée en septembre 2020, la Stratégie Nationale Hydrogène prévoit 7,2 milliards d’euros d’investissements dans le secteur de l’hydrogène d’ici à 2030. Objectif: construire une filière française de l’hydrogène décarboné, en développant les capacités de production et en soutenant l’innovation. Décryptage avec Marie-Perrine Durot, directrice innovation chez ENGIE Solutions.
Actuellement, on parle d’hydrogène VERT ou GRIS. Le « vert », produit à partir d’électricité renouvelable par un processus d’électrolyse de l’eau, et le « gris » issu du vapocraquage, et plus émetteur de CO2 .
L’hydrogène vert offre de larges perspectives pour accélérer la transition énergétique dans l’industrie française. Il est également un levier majeur de décarbonation, par exemple dans les secteurs de la métallurgie, de la verrerie ou de la microélectronique. Quels développements pouvons-nous en attendre ?
Selon France Hydrogène, 880 000 tonnes d’hydrogène ont été produites en France en 2020, dont 40 000 tonnes d’hydrogène vert, soit 5 %. Nous sommes aujourd’hui à un point de rupture technologique : avec l’amélioration des procédés d’électrolyse, l’hydrogène vert peut être produit massivement et donc utilisé dans l’industrie, ce qui était impossible il y a peu.
La quasi-totalité de l’hydrogène français, qu’il soit gris ou vert (d’origine fossile ou renouvelable, ndlr), est aujourd’hui produit pour des usages industriels : principalement utilisé dans le secteur du raffinage (pour désulfurer le pétrole), de la chimie (production d’ammoniac, de méthanol…), et plus marginalement, dans les domaines de la microélectronique, l’agroalimentaire, la pharma ou encore la métallurgie et le traitement des métaux.
France Hydrogène prévoit que nous atteindrons 1 345 000 tonnes d’hydrogène produit en France en 2030, dont plus de la moitié (700 000 tonnes) sera de l’hydrogène vert. Cela représente une progression dynamique pour la production totale d’hydrogène (+ 53 %) mais surtout une progression exponentielle pour l’hydrogène vert (+ 1 650 %).
Un des premiers leviers du développement de cet hydrogène vert en France est donc le verdissement des marchés qui utilisaient précédemment de l’hydrogène gris. Un des challenges principaux est de boucler l’équation économique de ces projets car l’hydrogène vert reste encore comparativement plus cher que l’hydrogène gris, ce qui est un obstacle important notamment pour les secteurs industriels où il est utilisé en masse. À ce titre, les plans de relance en France et en Europe sont de formidables opportunités pour subventionner les projets et lancer la dynamique de décarbonation de l’hydrogène.
Un exemple symbolique de ce verdissement : nous produisons depuis 2018 de l’hydrogène vert sur le site du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives) à Grenoble pour leurs usages en microélectronique.
Le deuxième levier du développement de l’hydrogène vert est l’apparition de nouveaux usages. Par exemple, dans le secteur de la métallurgie, on attend des ruptures technologiques fortes qui permettront de remplacer le process actuel de combustion du charbon par un process de réduction du minerai avec de l’hydrogène, ce qui permettrait d’obtenir une production totalement décarbonée si l’hydrogène utilisé est vert. Il en va de même dans le secteur de la verrerie.
Au sein du projet VERCANE, le laboratoire R&D d’ENGIE Solutions étudie avec ses partenaires Groupe Fives, Saverglass et Verescence les possibilités de décarbonation du process de fabrication du verre, en remplaçant le gaz naturel par de l’hydrogène vert dans la combustion. Dernier exemple dans le secteur de la chimie fine : avec Adisseo, producteur d’acides aminés pour la nutrition animale, de l’hydrogène vert produit sur site va remplacer le méthane dans la synthèse de la méthionine. C’est bien sûr un levier très efficace de décarbonation du process industriel. À terme, on anticipe un gain de 340 000 tonnes de CO2 en 10 ans sur cette usine.
Les énergies renouvelables éoliennes ou photovoltaïques sont intermittentes : l’absence de vent ou de soleil rend impossible la création d’électricité, tandis que leur excès crée un trop-plein d’énergie. C’est là qu’intervient l’hydrogène vert. Vecteur de stockage, il peut permettre de pallier l’intermittence des énergies renouvelables en stockant leur énergie pour la lisser dans le temps.
C’est tout le sens du projet Hyflexpower, premier démonstrateur au monde « power-to-X-to-power » intégrant une turbine à gaz fonctionnant à l’hydrogène. Il sera lancé par ENGIE Solutions en avril 2021 sur le site de Smurfit Kappa PRF, une entreprise spécialisée dans la production de papier recyclé, avec la participation de nombreux acteurs européens et le soutien de la Commission européenne. Le but est de démontrer que l’hydrogène peut être produit et stocké à partir d’électricité renouvelable, puis ajouté jusqu’à remplacer à 100 % le gaz naturel actuellement utilisé dans les centrales de cogénération.
Dans cette optique, une turbine à gaz industrielle Siemens existante sera modernisée pour convertir l’hydrogène stockée en électricité et en énergie thermique. Cela ouvre des pistes fantastiques pour l’industrie. On peut imaginer que l’usine du futur sera alimentée par des énergies renouvelables produites sur site et stockées grâce à l’hydrogène. L’hydrogène est donc un levier majeur et décisif pour verdir notre industrie.
Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour que l’hydrogène vert se développe fortement. ENGIE Solutions fait partie des entreprises pionnières sur le marché de l’hydrogène vert avec des installations qui sont en opération depuis plusieurs années. Nous sommes prêts à partager nos retours d’expérience et à accompagner les industriels dans le développement des usages de l’hydrogène, notamment pour la production d’hydrogène vert sur site et l’intégration de l’hydrogène dans leurs process industriels.
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