Nées de la prise de conscience d’une nécessité de préserver notre environnement et le climat, différentes transitions énergétiques s’opèrent partout dans le monde. En France, les politiques et les industries multiplient les annonces et les initiatives afin de se faire une place dans la transition énergétique. Les objectifs en la matière (limitation des émissions de CO2 et la décarbonation de nos usages énergétiques habituelle par exemple) demandent investissements parfois lourds en recherche et développement, mais également une nouvelle installation. En terme d’emploi ou d’opportunité industrielle et commerciale, si les bons choix sont faits, les conséquences se feront sentir sur l’économie tout entière.
Trois parties. Il y a quelques semaines, nous discutions de l’importance du stockage de l’énergie dans la transition énergétique et les différentes technologies associées, en lien avec la recherche française, et présentions quelques expérimentations en cours.
Nous finissons ce dossier avec une troisième partie qui aborde l’aspect économique induit par le stockage de l’énergie, les investissements à attendre, et l’implication de la voix politique dans la transition énergétique.
À l’échelle d’un pays, la montée en puissance d’un stockage d’énergie compétitif sera indispensable pour garantir la sécurité énergétique de tous, dans un mix électrique futur faisant une large part aux énergies solaires et éoliennes, variable et non programmable.
Pourtant, à l’échelle mondiale, les pays membres de l’OCDE consacrent 15 milliards de dollars par an à la recherche sur l’énergie, soit 4 % des budgets de la recherche publique et 2 pour 1000 du PIB mondial. La France est l’un des états qui investit un peu plus que les autres dans la recherche et le développement sur l’énergie : 0,5 millièmes de son PIB, soit 1 milliard d’euros. En Allemagne, ce montant est de 0,2 pour 1000 du PIB, qui est la moyenne européenne. Les chiffres français intègrent bien entendu la recherche nucléaire : la recherche et le développement du nucléaire vise la sûreté du parc et sa capacité à gérer ses déchets nucléaires.
Les options technologiques de stockages sont évaluées à l’aune de leur impact économique : elles doivent permettre des économies d’énergie tout en représentant un investissement initial soutenable et des coûts d’entretien maitrisés. Les coûts d’investissement restent élevés aujourd’hui – même s’ils doivent diminuer dans les 20 ans à venir, avec le développement de nouveaux matériaux et procédés, ainsi que via les effets de construction de matériaux en série (comme les cellules photovoltaiques, dont l’augmentation de la production dans les chaines de montage en série ont permis de diviser par 3 leur prix de vente en 10 ans).
Au niveau du réseau électrique, des modèles doivent permettre de valoriser le stockage face à la concurrence des autres moyens de gestion des pointes de consommation, l’effacement et les cycles combinés à gaz, en prenant notamment en compte les investissements évités (possibilité de réduire le dimensionnement du réseau) ou la valorisation de services supplémentaires (réglage de la fréquence).
Pour se développer et être économiquement viable, le stockage d’énergie peut compter, en partie sur la volatilité des prix de l’électricité : il s’agit de stocker l’électricité lorsqu’elle est la moins chère pour la redistribuer lors des pics de consommation. À ce premier segment de marché, d’autres sont également encouragés par des incitations réglementaires ou fiscales (subvention à l’équipement de véhicules électriques par exemple). Toutefois, les prix des énergies fossiles demeurent bas en l’absence d’un prix adapté du marché carbone, ce qui constitue un obstacle à un déploiement plus massif de solutions décarbonées.
La rentabilité économique doit également entrer en compte la maturité énergétique d’une solution de stockage. Parmi les différentes technologies disponibles, certaines ont atteint un stade plus abouti et plus mature. Celles-ci ne nécessitent donc plus aucun investissement en recherche et développement ou présentent des risques financiers limités. Par exemple, des technologies dont on a déjà parlé dans les parties précédentes de cet article : le stockage hydraulique avec des stations d’épurations, le stockage par air comprimé combiné à un système de stockage thermique, ou encore une bonne partie des stockages thermiques existants.
La majorité des décisions et investissements dans le domaine de l’énergie sont impulsés par les engagements de la France, tant au niveau européen qu’au niveau national. Petit rappel des principales orientations actuelles.
– La COP21
Le premier accord universel pour le climat, approuvé par 195 États et l’Union européenne (196 délégations) le 12 décembre 2015, reconnaît la notion de justice climatique, tient compte pour chaque sujet de la responsabilité différenciée des pays et de leurs capacités respectives à la lumière des circonstances nationales. Il confirme l’objectif central de contenir l’augmentation de la température moyenne de la planète en deçà de 2 °C (voire 1,5 °C d’ici la fin du siècle), prévoit que les 100 milliards de dollars par an visés pour 2020 devront être un plancher pour l’après 2020 et qu’un nouvel objectif chiffré devra être défini au plus tard d’ici 2025.
– Le Paquet énergie-climat 2030
En 2014, l’Union européenne a fixé trois grands objectifs pour 2030 : réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990) ; porter la part des énergies renouvelables à au moins 27 % ; améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 27 %. Ce paquet constitue un prolongement du paquet énergie-climat 2020 (fixant les objectifs pour 2020).
– La loi française de transition énergétique pour la croissance verte
Parue au Journal Officiel le 18 août 2015, cette loi vise à permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement, fixant notamment la réduction : des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 (puis 75 % d’ici 2050) ; de la consommation énergétique finale de 20 % en 2030 (50 % en 2050).
– Plan Climat 2017
Avec le Plan Climat, lancé en 2017 par le Ministère de la transition écologique et solidaire, la France accélère l’application opérationnelle de l’Accord de Paris et dépassera ses objectifs initiaux à travers six axes : – Rendre irréversible la mise en œuvre de l’Accord de Paris ; – Améliorer le quotidien de tous les Français ; – En finir avec les énergies fossiles et s’engager dans la neutralité carbone ; – La France n°1 de l’économie verte ; – Encourager le potentiel des écosystèmes et de l’agriculture ; – Intensifier la mobilisation international sur la diplomatie climatique.
Quelques chiffres
Estimation du marché de stockage dans le monde (selon l’ANCRE, 2017)
Pour 2010 :
– 3,5 milliards de dollars US$ (principalement dominés par les stations de pompage)
– 500 millions de dollars US$ concernant les batteries, super capacités et volant d’inertie.
Prévision 2020 :
– 16 à 35 milliards de dollars US$ pour de nouvelles capacités installées (de 7 à 14 GW par an)
En France :
L’industrie de l’énergie en France est, selon le ministère de l’Environnement :
– 2,0 % de la valeur ajoutée en 2015 ;
– 138 900 emplois (en équivalent temps plein), soit 0,5 % de l’emploi intérieur total (chiffres 2014).
Selon un rapport de l’ATEE (2013), les emplois directs et indirects liés au marché national du stockage d’énergies d’ici 2030 représentent de 14,5 à 27,4 milliers d’etp.an. En supposant que les potentiels de stockage soient exploités d’ici 2030, cela représente, en moyenne, de l’ordre de 850 à 1600 équivalents temps plein nationaux directs et indirects.
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