Matériaux ultrarésistants ou super-adhésifs, survie dans les abysses, vie amphibie… Fort de 3,6 milliards d’années de R&D, le monde du vivant a su démontrer qu’il était capable de technologies de pointe. Ces prouesses, par essence respectueuses de leur milieu, sont depuis toujours une source d’inspiration pour les industriels : on appelle biomimétisme cette démarche d’innovation, qui consiste à prendre la nature comme modèle. Alcimed, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, revient sur ses applications dans les secteurs de l’énergie et de l’environnement et propose 3 axes d’innovation bio-inspirée de demain.
Le biomimétisme n’est pas une démarche nouvelle : il existe depuis aussi longtemps que l’homme observe et cherche à comprendre le monde qui l’entoure. De Léonard de Vinci et son observation des oiseaux afin d’imaginer une machine volante au XVème siècle jusqu’au velcro inspiré des crochets du fruit de la bardane, les réalisations issues de cette observation sont déjà nombreuses dans notre quotidien.
L’approche de l’innovation bio-inspirée a cependant été structurée pour la première fois en 1997 par l’américaine Janine Benyus dans un livre fondateur, Biomimicry: Innovation Inspired by Nature. Depuis, on observe un intérêt croissant autour de ces questions et une augmentation du nombre de publications citant le biomimétisme. Le potentiel infini d’applications peut concerner tous les secteurs d’activité : de l’agriculture à l’aéronautique en passant par celui de l’énergie. Cette approche nécessite cependant, par définition, une forte multidisciplinarité à l’interface entre design, ingénierie, chimie, technologies de l’information, biologie… et a ainsi besoin d’acteurs facilitant la transmission entre ces domaines. Son développement se heurte de plus aujourd’hui à un manque de supports méthodologiques directement adaptés à la recherche par les industriels.
Première source d’inspiration: les formes et structures observées chez les êtres vivants (structure alvéolée, micropores…). Ces dernières sont reproduites par les ingénieurs pour améliorer les performances d’un objet ou d’une structure. EEL Energy a ainsi développé une hydrolienne inspirée des ondulations des anguilles qui permet d’optimiser la conversion de l’énergie même dans les zones à très faibles courants. Autre exemple, l’Université de Cambridge s’inspire du duvet à l’extrémité des plumes de chouette pour réduire le bruit de frottement de l’air sur les pales d’éoliennes.
En second lieu, les ingénieurs se sont inspirés de la chimie des matériaux et des procédés biochimiques existants dans la nature. Les êtres vivants ont en effet réussi l’exploit de mettre au point des procédés de production de molécules remplissant une grande diversité de fonction dans des conditions de température et de pression quasi-ambiantes et à partir de seulement 3 familles de polymères. Ce niveau d’inspiration fait déjà l’objet de nombreuses applications industrielles comme l’élaboration par Saint-Gobain d’une surface hyper-hydrophobe et autonettoyante inspirée de la nanostructure des feuilles de lotus ou bien, comme l’exploration par Suez du métabolisme de digestion des termites pour améliorer la bio méthanisation des déchets verts.
Au-delà d’une transposition quasi-directe de phénomènes observés dans le vivant, soit par la reproduction d’une structure, soit par l’exploitation de leur métabolisme, une troisième approche cherche désormais à reproduire les stratégies d’organisation et de fonctionnement des systèmes vivants.
À l’échelle microscopique, macroscopique ou écosystémique, l’organisation des systèmes vivants leur a en effet permis de s’adapter aux contraintes de leur milieu en développant des systèmes économes en énergie et résilients : une colonie bactérienne n’importe pas sa source d’énergie mais un écosystème se construit pour maximiser l’utilisation des ressources locales et limiter les pertes. Dans le secteur de l’énergie et de l’environnement plus particulièrement, cette approche d’inspiration s’intensifie pour répondre aux enjeux de la transition énergétique. Renault cherche par exemple à repenser le véhicule décarboné, en s’inspirant du métabolisme des marathoniens. RTE s’inspire des réseaux et connections du mycélium, qui partage les sucres produits entre les arbres exposés à la lumière et les arbres plus petits, pour équilibrer les flux d’énergie sur le réseau électrique entre les régions. D’autres travaux prennent pour exemple des fourmis pour concevoir des algorithmes d’optimisation des trajets de collecte de déchets.
Les possibilités d’inspiration sont innombrables! L’équipe Énergie, Environnement et Mobilité d’Alcimed s’est prêtée au jeu et a imaginé 3 autres axes d’innovation bio-inspirées :
Autant de raisons supplémentaires de protéger la biodiversité, qui a encore beaucoup à nous apprendre!
FOCUS : Une carte à jouer sur le territoire français
Le concept de biomimétisme se développe mais est encore peu connu par le grand public. On observe cependant en France la volonté de structurer une communauté de recherche autour de ces questions via le CEEBIOS (Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis), et de développer une méthodologie d’innovation bio-inspirée, telle qu’elle a été notamment proposée par Pierre-Emmanuel Fayemi en 2016 dans sa thèse doctorale approfondie ensuite par l’ENSAM et le CEEBIOS. La France peut s’appuyer pour cela sur des acteurs académiques majeurs en Europe comme le CNRS ou le Museum National d’Histoire Naturelle et sur l’implication de nombreux industriels déjà adhérents au CEEBIOS (Air Liquide, EDF, Eiffage, Engie, Faurecia, Saint-Gobain, Renault, RTE etc.). Elle dispose aussi d’un atout de taille : abriter environ 10% de la biodiversité mondiale grâce à ses territoires maritimes. Souhaitant protéger cette biodiversité et faire émerger des programmes de financement, le gouvernement s’est par ailleurs déjà exprimé sur les opportunités du biomimétisme notamment dans un rapport en 2017 sur le Biomimétisme à Horizon 2030 par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
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