Une fois par mois, la rédaction d’Éléments Industriels vous présente son coup de cœur technique, disponible en librairie. Ce mois-ci, un livre sous-titré « Cohésion, souveraineté, territoire, décarbonation : les solutions existent», où est dévoilé le rapport que le gouvernement avait commandé à Olivier Lluansi, ancien délégué interministériel aux Territoires d’industrie, et qui n’a jamais été publié.
Si depuis 2010 l’industrie est redevenue une priorité politique, alors pourquoi n’en percevons-nous toujours pas les résultats tangibles, ni dans les chiffres de l’économie, ni dans notre réalité au quotidien ? Pourquoi la France reste-t-elle bloquée dans le bas du classement européen en termes d’industrie ?
C’est notamment pour répondre à ces questions qu’Olivier Lluansi a été chargé en novembre 2023 d’une mission gouvernementale sur l’avenir de nos politiques industrielles.
S’appuyant sur une instance de 20 personnalités et la mobilisation de neuf administrations différentes, ces travaux confirment que l’objectif de réindustrialisation du Gouvernement d’alors n’était ni réaliste, ni même fondé. Il faut plutôt viser une part manufacturière du PIB de 12% à 13% ou mieux encore une « balance commerciale industrielle équilibrée à 2035 ». Une belle ambition mais pourtant une première divergence avec le discours officiel.
Deuxième divergence : le rapport met l’accent sur le « potentiel caché des territoires » et par conséquent sur la nature réductrice de la communication politique, dithyrambique et focalisée sur la DeepTech et la Start-Up Nation qui ne représentent en réalité qu’un tiers de notre potentiel de réindustrialisation. Les deux autres tiers se trouvent dans le développement du tissu industriel existant, notamment les PMI et les ETI.
Enfin, ces travaux soulignent les coûts croissants de production en Europe associés à notre modèle social, à nos ambitions environnementales ou encore à notre volonté d’autonomie stratégique compétitivité. Chercher à reconquérir notre compétitivité seulement par les coûts conduirait à renoncer à nos valeurs. Une seule solution courageuse permettrait à l’Europe de sortir par le haut de cette impasse : revoir certaines règles du jeu de notre commerce international. Un parti pris qui bouscule le statu quo et dérange les certitudes de nos institutions.
Si l’on souhaite réussir notre réindustrialisation, un réel aggiornamento s’impose donc et une « nouvelle grammaire » de nos politiques industrielles est indispensable. Ce chemin sera long, c’est le défi d’une génération car on ne réindustrialise pas seulement pour réindustrialiser. On réindustrialise pour retisser notre cohésion sociale et surtout territoriale dans un pays multi-fracturé, pour reconquérir une souveraineté productive et ainsi reprendre la maîtrise de notre destin collectif, pour réduire notre empreinte environnementale qu’une croissance sans discernement a poussé hors limite.
Biographie de l’auteur
Olivier Lluansi commencé sa carrière à la Commission européenne, puis au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. Il a ensuite rejoint Saint-Gobain dont il a supervisé les activités en Europe centrale et orientale. Il a également été conseiller industrie et énergie à la Présidence de la République et il a mis en place l’initiative Territoires d’industrie lancée par le Premier ministre en 2018.
Il participe à plusieurs laboratoires d’idée, dont le Lab BPIFrance, la Fabrique de l’industrie ou encore le Lab des Forces françaises de l’industrie. Olivier Lluansi en outre a publié en mai 2023 “Les néo-industriels – L’avènement de notre renaissance industrielle” (éditions Les Déviations). Il est également co-auteur de “Vers la renaissance industrielle” (éditions Marie B, 2020).
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